
Jérôme CLIER est co-fondateur de Tomco dont il dirige le développement et les opérations depuis sa création en 2014. Il a fait du cadrage, du pilotage et de l’audit des programmes de transformation numérique, ses spécialités.

Bruno FONTAINE est co-fondateur et président d’honneur de Tomco. Ses expériences stratégiques et opérationnelles dans le domaine du numérique n’ont pas d’équivalent.
Ils nous expliquent tous les deux les secrets d’un projet numérique réussi.
Pourquoi apparait-il souvent plus difficile de réussir un projet numérique que de réaliser un grand projet industriel ?
Un grand projet industriel (aéronautique, défense, automobile…) demande de la sueur, beaucoup d’investissements, beaucoup de dialogues et présente aussi de nombreux risques… Mais il aboutit la plupart du temps. Dans le numérique, on dépense parfois beaucoup pour peu de résultats, voire des échecs importants.
Les explications sont diverses mais voici quelques pistes sur les constats les plus fréquents :
Dans un projet numérique, la finalité est souvent complexe à définir, à restreindre, à prioriser et à tenir ! Les inducteurs de coût et de complexité sont partout, et la priorité est d’établir une feuille de route, basée sur un objectif clair, permettant de piloter l’atteinte de la finalité. Quelle que soit la méthode retenue pour piloter un projet numérique, il y a mille (bonnes) raisons de faire évoluer la cible sans que l’impact sur le projet lui-même ne soit évalué.
Il existe une forte distorsion entre la puissance et la facilité des usages que le grand public a entre les mains d’une part et la complexité architecturale technique et organisationnelle sous-jacente aux systèmes d’information d’entreprises d’autre part. Les grandes plateformes du web délivrent quotidiennement de nouvelles fonctionnalités, très puissantes, et souvent gratuites pour les utilisateurs. Le raccourci est rapidement fait pour exiger un même niveau de maturité pour un coût minime dans l’environnement professionnel.
Le traitement du legacy est souvent incontournable dans les organisations qui ont une histoire. Le grand modèle de fulgurance numérique des dernières années est le modèle de la startup, en développement rapide et continu de nouveaux services. C’est un modèle d’évolution des produits soit par l’innovation de rupture soit par la capacité à simplifier des processus. Or les organisations ne peuvent pas ignorer le legacy, legacy fonctionnel, legacy technique…. Le legacy a structuré sur des dizaines années les processus et la ligne médiane entre une rupture complète ou une reconstruction totalement iso fonctionnalité n’est pas facile à trouver.
La filière numérique reste relativement récente, en particulier dans le domaine du management des programmes et de la finesse des méthodes employées. On est parti il y a une cinquantaine d’année d’une seule application pour soutenir des processus de gestion, les applications se sont multipliées, amenant à des systèmes plus complexes qui ont intégré années après années le soutien des processus métiers, et enfin le soutien à la relation client. On voit bien la complexification progressive des enjeux.
Sujet un peu connexe, le numérique est un domaine nécessitant de nombreuses expertises de pointe, toutes coordonnées par un système de management solide : architecture, réseau, développement, data, intelligence artificielle, Cloud, UX/UI, ... Ces expertises sont en constante évolution. Les nombreuses expertises sont à solliciter chacune au bon moment, qui doit s’articuler avec le fonctionnel, dans un système de management parfaitement maitrisée
Les révolutions semblent sans cesse se succéder : à chaque année son nouveau buzzword (Cloud, mobilité, Big Data, IA, …) qui veut faire croire que les projets, les méthodes, les approches sont dépassées. Pourtant il ne faut pas perdre le bon sens du management des systèmes. Souvent la réponse à des problèmes se trouve plutôt dans des changements d’organisation et de processus plutôt que dans l’adoption de nouvelles technologies.
La règlementation et les normes sont souvent sources de complexification des projets. Il n’est pas inutile de disposer d’un cadre normé d’exploitation des données, d’obligations en matière de sécurisation des systèmes mais ce sont de nouvelles contraintes à intégrer, parfois même au cours d’un projet déjà lancé.
L’industrie du numérique elle-même reste une industrie complexe à aborder sur le plan contractuel. Les modèles de facturation logicielle sont complexes, voire opaques. L’industrie du service est complexe à engager forfaitairement, les objets étant souvent mal définis. Les engagements en obligation de résultat nécessitent une très bonne maitrise des processus et des expressions de besoin côté client.
Donc un projet de transformation numérique c’est complexe, et il n’y a rien à faire ?
Bien au contraire il faut agir sur le projet. Il faut veiller constamment à l’acquisition de valeur par les actions menées.
Donner un sens stratégique à chaque projet qui constituera le socle des arbitrages à venir. Il faut donner des objectifs clairs, partageables et communicables qui porteront l’ADN des discussions. Dès la phase de cadrage, il faut placer le numérique au bon niveau de sponsoring et s’inscrire dans les enjeux et les exigences du sponsor. Ce point très souvent oublié, et même quand cela est fait, il est régulièrement remis en cause – source numéro 1 de dérives en coûts/délais. Il n’existe pas de projets qui n’apporte pas son lot de questions voire de remise en question.
Architecturer pour l’avenir en s’assurant de construire de la valeur rapidement. C’est désormais largement partagé dans l’industrie et constaté dans la littérature. Les projets en « effet tunnel » ne fonctionnent pas. Les méthodes agiles présentent l’avantage incontestable de repousser les spécifications détaillées juste au moment où l’on en a besoin. Mais, à titre d’exemple, les choix d’architecture applicative, la structuration high level des bases de données doivent être anticipés et stables dans le temps sous peine de « rework » très important.
Voir la cible en haut de l’escalier mais s’assurer de le monter marche après marche : pour renforcer la maîtrise calendaire et budgétaire des grands projets numériques, il faut être en mesure de découper au maximum les périmètres projets, procéder par paliers et par itérations, contraindre les équipes projets à démontrer l’acquisition de valeur sur des périmètres négociés. Pour chaque palier il faut identifier des résultats concrets et ayant du sens, ainsi que de la valeur ajoutée pour le métier.
Professionnaliser et monter en visibilité hiérarchique le pilotage des projets numériques. Le piège est de croire que le pilotage du projet correspond à son seul suivi de l’exécution. Cela va bien au-delà : en fonction de la taille et des enjeux du programme, il faut avoir une gestion proactive des risques, avec rigueur, honnêteté et au bon niveau de traitement en interne. Cela tombe sous le sens, mais ce n’est pas facile à faire ! Une certaine connivence des équipes, internes et externes, peut s’installer pour mettre les problèmes « sous le tapis » ! Des évaluations ponctuelles et indépendantes doivent être prévues pour permettre une vision réelle, non déformée du projet.
Se doter d'une approche achat mature : Tomco accompagne les démarches d’achats dans le secteur public et dans le secteur privé, sur des projets souvent de grande complexité. La contractualisation elle-même porte déjà souvent les prémices des difficultés à venir. Le client, souvent moins mature sur ce sujet que les industriels, a intérêt à se faire aider dans les processus de sourcing.
Comment concrètement réussir son projet en 7 astuces ?
C’est le thème de notre article, c’est facile à dire mais ensuite il faut se donner les moyens de s’y tenir.
Un outil simple mais toujours intéressant à reprendre est la checklist de la réussite du projet, à revoir régulièrement :
1. L’objet du projet est clair et mesurable, les objectifs sont explicites et compréhensibles de tous : on s’en rappellera tout au long des arbitrages à prendre. On s’y référera si le projet commence à perdre du sens.
2. Le projet dispose d’au moins un sponsor clairement cité. Il permettra d’être référent sur les arbitrages les plus stratégiques.
3. Le projet est confié à une chefferie de projet unique qui dispose d’une latitude claire et de règles simples pour mener son projet (règles de pilotage, d’engagement des négociations, de reporting…).
4. La chefferie de projet est responsabilisée sur le résultat et dispose des moyens et des outils pour négocier dans un environnement contraint.
5. Les démarches projets sont inclusives et intègrent toutes les parties prenantes : décideurs, utilisateurs, techniques, fournisseurs…
6. La trajectoire du projet est finement découpée, bien identifiée. Les paliers et les jalons sont clairs et pilotés.
7. Les difficultés sont partagées plutôt qu’ignorées. La politique du « tout va bien il n’y a rien à voir », est souvent un signe de mauvaise santé.

A propos de Tomco
Tomco offre aux décideurs des services de cadrage stratégique et de pilotage opérationnel des transformations numériques. Stratégie SI, conduite opérationnelle de projet, management d’équipes informatiques, contractualisation, marchés, technologies, architecture, déploiement... Tomco agit ainsi comme un pont entre les décideurs et la réussite de l’exécution.
Tomco est 100 % numérique, 100% indépendant, 100 % français.

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